Quand les pizzas "maison" créent des liens...
Isabelle, proche de l'association Vendée-Akamasoa et de l'oeuvre du Père Pedro, était du voyage à Madagascar en 2010. Des liens s'étaient aussi créés là-bas grâce... à la fabrication de pizzas "maison" !
Le blog de l'association Vendée-Akamasoa publie aujourd'hui, ci-dessous et sous sa plume (et avec ses photos, reproduction interdite), le témoignage d'Isabelle.
« Sûrement un des plus beau et des plus émouvants jours de ma vie : celui où j’ai fait des pizzas pour quelques enfants d’un des pays les plus pauvres du monde : Madagascar.
Je séjournais au sein de l’Association Humanitaire Akamasoa, fondée par le Père Pedro Opeka à Antananarivo, Madagascar.
Ce jour-là, le Père me demande si je sais faire les pizzas,
Pour moi pizza = Pizza Hut ou Domino’s pizza ! Jamais fait de pizzas de ma vie !
Face au Père, pas question d’avouer mes lacunes en matière culinaire, me voilà embarquée malgré moi à transformer, l’espace d’un soir, la salle à manger d’Akamasoa en Pizzeria pour tous ces gamins aux grands yeux rieurs et aux ventres vides. Je sentais l’importance que tous attachaient à la mission que le Père venait de me confier : faire des pizzas. Je n’avais pas le droit de les décevoir.
Sans rien laisser paraître de mon angoisse, je relevais fièrement le défi !
Oui mais comment faire, là-bas loin de tout sans livre de cuisine et surtout sans ingrédients ?
Restons calme ! Je lance un SMS SOS à ma fille qui m’envoie la recette par mail juste avant qu’une pluie diluvienne ne s’abatte sur Akamasoa et coupe toute électricité et communication !
Recette en main, entre deux averses, je prétexte l’achat d’artisanat malgache pour aller à Tana. Direction le JUMBO, grand supermarché ou l’on ne croise que les expatriées et les épouses des hauts fonctionnaires, tant les prix sont inabordables pour la population.
Ni une ni deux, je remplis le caddie de farine, levure, jambon, sauce tomates, fromage râpé accompagné de jus de fruit et yaourts (ça au moins je suis sure que ce sera réussi !) pour faire de ce repas une fête.
De retour à Akamasoa, je range les courses dans le frigo, en plein dégivrage, le courant n’étant rétabli que par intermittence !
Dans la cuisine je suis rapidement rejointe par quelques gamines venue voir la "vahiny" cuisiner, toutes veulent m’aider ! Je répartis donc les taches. Un regard sur leurs mains et leurs vêtements (typique de l’occidentale aseptisée), je détourne le regard, au diable, ici Dieu est avec nous ! Où est l’importance : la "saleté" de leurs mains ou le bonheur dans leurs yeux ?
Mes aides recrutées, les ingrédients achetés, il n’y a plus qu’à... Où est la balance, où est le rouleau à pâtisserie, ou sont les moules ???? Regards effrayés des filles, elles comprennent que la vahyni n’a pas le matériel adéquat, peur que les pizzas ne restent qu’un rêve... Coup de tonnerre dans le ciel, coup de stress en cuisine : on va se débrouiller, je n’ai pas le droit de les décevoir ! Les bouteilles vides serviront de rouleau, les plaques du four de moules, mon flair de balance...
Dans une grande bassine, les petites mains malgaches mélangent la farine, l’eau et la levure. Étape périlleuse, si la pâte est ratée, la pizza le sera aussi.
Nous laissons reposer la pâte. La chaleur et l’humidité ambiante sont nos alliées, en une heure la pâte déborde de la bassine : nous avons brillamment réussie la 1ere étape : la pâte est digne de celle des plus grands pizzaïolos !
Garnir cette pâte prend des allures de fête : Rina coupe le jambon, Poon tranche les champignons, Tojo ouvre les boites de conserve de sauce tomates (sans ouvre boite), Tsiory râpe le fromage sous l’œil attentif des autres gamines !
Vingt minutes plus tard les pizzas sont prêtes à être enfournées pour le repas de 19 h 00, le Père est intraitable sur l’horaire du dîner ! Nous allumons le four, ou plutôt nous essayons... panne de gaz ! De nouveau stress et angoisse dans les yeux des filles ! Le problème vite résolu par le Père... il y a une bonbonne de gaz en réserve ! Ouf !!!! Trente minutes plus tard, et avec du retard sur l’horaire conventionnel, nous sommes tous attablés autour des magnifiques pizzas !
Les yeux brillent, le silence se fait autour de la table, c’est la fête !
Parler de la misère et de la pauvreté autour de la confection d’une pizza peut paraître déplacé. Dans cette mission humanitaire ou les enfants n’ont bien souvent qu’une assiette de riz à manger par jour, une pizza représente beaucoup, on oublie l’espace d’un repas la pauvreté et comme tous les enfants du monde on déguste une pizza. Le quotidien de nos enfants fut ce soir-là une exception chez ces enfants malgaches.
Ces regards, ces petits doigts ramassant les dernières miettes, ces rires sont ce qu’il y a eu de plus beau ! Cela peut paraître incongru mais au milieu de cette pauvreté, cette soirée reste un des instants les plus forts de ma vie. La magie d’Akamasoa a une nouvelle fois opéré, le temps et l’espace n’existaient plus, nous étions juste nous, ensemble et heureux. Une pause dans la vie ou les enfants sont redevenus des enfants.
J’ai fait une pizza pour les enfants d’Akamasoa.
Les enfants m’ont offert leurs yeux brillants et leurs rires éclatants.
C’est moi, la vahyni, qui ait le plus reçu ce soir-là.
Impossible de vous dévoiler la recette de cette fameuse pizza... les ingrédients sont introuvables en France… Par contre, si vous voulez en savoir plus sur l’action du Père Pedro Opeka et sur Akamasoa, n’hésitez pas à visiter aussi le site : Les Amis du Père Pedro. Et qui sait au hasard des photos, verrez-vous peut être quelques miettes de pizza sur le sourire d’un des enfants.
Merci à vous tous.
Je n’ai jamais refait de pizza… ».
Isabelle.