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Père Pedro à "La Croix" : « Les Malgaches n’ont pas à payer les erreurs des gouvernants. »

Publié le par Vendée-Akamasoa

Interview1cVendee-Akamasoa.JPG« Les Malgaches n’ont pas à payer pour les erreurs des gouvernants. », analyse le Père Pedro, dans une interview exclusive au journal La Croix (leur site officiel est ICI), le 27 juin dernier.

 

Connu dans le monde entier pour son combat contre la pauvreté auprès des habitants de la décharge d’Antananarivo, le Père Pedro lance un appel en faveur de la levée du gel de l’aide financière dû à la crise politique. Il se prononce contre le retour de l’ancien président Marc Ravalomanana. Avec la Fondation Akamasoa, ce religieux lazariste a aidé plus de 300.000 personnes, bâti dix-sept villages, plus de 3.000 maisons, une centaine d’écoles et des hôpitaux...

 

Depuis plus de deux ans, Madagascar est bloquée par l’épreuve de force qui oppose l’ancien président Marc Ravalomanana et le président de la Haute Autorité de transition, Andry Rajoelina. Quelles en sont les conséquences pour la population ?

Père Pedro : « Cette crise aggrave considérablement les problèmes de pauvreté qui minent la société malgache. Le gouvernement provisoire n’étant pas reconnu par la communauté internationale, cette dernière a gelé les aides qui lui sont destinées. Cela se traduit par la perte de 60 % des revenus de l’État. Des dizaines de milliers de Malgaches ont perdu leur emploi. L’État n’est pas en mesure de régler l’urgente question des jeunes qui arrivent sur le marché du travail (250 000 par an). Autre point noir, la malnutrition. L’activité agricole est insuffisante pour nourrir la population, les paysans restent toujours sans moyens. Madagascar est obligée d’importer chaque année plus de 200 000 tonnes de riz pour enrayer les famines. Enfin, le prix des médicaments a fortement augmenté. La plupart des gens n’ont pas les moyens de se soigner et, pour eux, construire un logement décent relève du rêve. »

Une partie de la communauté internationale pense que la sortie de crise passe par un retour de Marc Ravalomanana sur l’île afin qu’il puisse participer à une nouvelle élection présidentielle…

« Aujourd’hui, il me semble que les conditions de stabilité ne sont pas réunies pour prendre ce risque. Les Malgaches ont hâte de participer à l’élection de leur futur président. Il y a quelques jours, plus de 200 partis politiques de tout bord ont voté en faveur de ces élections. Marc Ravalomanana n’est pas condamné à vivre en exil toute sa vie, mais il doit accepter, je crois, de se mettre en retrait de la vie politique malgache pour éviter de nouveaux affrontements.

Je lance un cri : la communauté internationale, les bailleurs de fonds, l’Union européenne doivent lever leur gel de l’aide financière pour aider Madagascar à sortir du marasme dans lequel elle s’enfonce depuis des années. Le peuple malgache, accueillant et pacifique, n’a pas à payer pour les erreurs des hommes qui les gouvernent. »

Interview2cVendee-Akamasoa.JPGIl y a deux semaines, les partisans d’Andry Rajoelina ont refusé la proposition de sortie de crise concoctée par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) au motif qu’elle prévoyait le retour de Marc Ravalomanana sur l’île…

« La majorité des Malgaches est contre ce retour. Vous ne savez pas ce qu’a été la présidence de Marc Ravalomanana : elle a été marquée par l’exercice autoritaire et sans partage du pouvoir, par l’appropriation des richesses du pays par un petit clan, par l’aggravation de la pauvreté et l’augmentation de l’insécurité. Aujourd’hui, plus de 80 % de la population malgache vit avec moins d’un dollar par jour ! ».

Et pourtant, en 2002, vous vous étiez prononcé pour lui.

« En 2002, à mes yeux, tout candidat était forcément meilleur que le président sortant d’alors, Didier Ratsiraka, mais Marc Ravalomanana nous a déçus, car la pauvreté a continué d’augmenter. »

Faut-il laisser la Haute Autorité de transition organiser l’élection présidentielle ?

« Évidemment. Madagascar est un pays souverain, personne ne peut lui dicter ce qu’il doit faire ou ne pas faire afin de faire avancer la démocratie et faire respecter la volonté populaire qui souhaite le changement. La majorité de la classe politique à Madagascar est décidée à organiser des élections d’ici à la fin de l’année. En revanche, j’espère que la communauté internationale enverra des observateurs pour les garantir. Je suis aussi convaincu que la réconciliation entre les Malgaches ne se fera qu’à Madagascar. La sagesse ancestrale est toujours aussi forte pour trouver une solution et une entente indispensable pour la paix sociale. »

N’êtes-vous pas devenu, au fil des ans, pro-Rajoelina ?

« Je suis prêtre missionnaire et je n’ai pas à entrer dans le jeu politique. Mais je constate qu’Andry Rajoelina est caricaturé à l’étranger. Il n’est pas « l’homme fort », comme on peut le lire sur Internet, il n’est pas le dictateur que ses adversaires caricaturent. Je l’ai plusieurs fois rencontré et il a toujours tenu ses engagements et sa parole vis-à-vis de moi. Il me semble avoir le sens du peuple, de l’urgence absolue de lutter contre la pauvreté. On espère qu’à son tour il ne sera pas pris par la folie des grandeurs et le culte de la personnalité de ses prédécesseurs. Il m’a dit que son but était de donner une chance à tous les enfants, jeunes et adultes malgaches pour avoir une vie plus digne dans le plus grand respect de la justice pour tous. »

 

Propos recueillis pour le journal « La Croix », par Laurent Larcher (que nous remercions pour leur autorisation grâcieuse de reproduction).

 

La crise malgache en quelques dates

 

2002 : opposé à Didier Ratsiraka à l’élection présidentielle, Marc Ravalomanana se proclame président. Reconnu vainqueur, il est investi après plusieurs mois de crise politique.

2006  : réélection de Marc Ravalomanana.

2008 : à la suite de la fermeture par le gouvernement de la chaîne de télévision appartenant à Andry Rajoelina, maire d’Antananarivo, la capitale, début de l’affrontement entre les deux camps.

2009 : en janvier, manifestations des partisans d’Andry Rajoelina. Elles sont violemment réprimées. En mars, démission de Marc Ravalomanana. Andry Rajoelina se proclame « président de transition » avec le soutien de l’armée. En décembre, ce dernier proclame la IVe  République de Madagascar, à l’issue d’un référendum constitutionnel.

2011 : en juin, la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) mandatée par l’Union africaine approuve la « feuille de route » de sortie de crise. Elle demande le retour des réfugiés politiques, dont l’ancien président Marc Ravalomanana, et confirme Andry Rajoelina comme « président de transition » jusqu’à la prochaine élection présidentielle, repoussée à 2012. Les partisans d’Andry Rajoelina s’opposent au retour de Ravalomanana.

Publié dans News

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