Madagascar : la tempête tropicale Chedza, et la tempête sociale, inquiètent le père Pedro
Alerte à Madagascar. Il y a une semaine, l’île rouge a été traversée par la tempête tropicale Chedza, qui a fait de gros dégâts, comme nous a alerté le père Pedro. Mais ce dernier est aussi inquiet par le climat politique et social de Madagascar, qui, évidemment, pénalise les plus démunis…
Le cyclone Chedza a frappé notamment, en premier, Morondava, sur la côte ouest de l’île, avec des vents de plus de 130 km/h, faisant plusieurs dizaines de morts. Le bilan le plus lourd a été enregistré à Antanifotsy, où douze personnes ont trouvé la mort, due à la montée des eaux et l’effondrement de maisons.
Ajoutées à la violence du vent, les pluies diluviennes ont causé d’énormes dégâts. Des routes ont été coupées, et des digues, le long des rivières, fragilisées. Des rizières et des champs de cultures ont été inondés et des glissements de terrain se sont ajoutés aux ravages causés aux habitations concernées. Dans la capitale Antananarivo, c’est aussi plus de 20.000 personnes qui ont été sinistrées.
Le Bureau national de gestion des risques climatiques et les secours ont mis en place des mesures d’urgence : évacuation et relogement d’un maximum de sinistrés, distribution de nourriture et mesures de sécurités, tant que possibles, dans les zones inondées. Dans le district d’Antanifotsy, 90% de culture ont été endommagées par la pluie diluvienne et les rafales de vent. Plusieurs routes ont été également coupées, entre autres, la route nationale reliant Vohipeno-Farafangana, Farafangana-Vangaindrano et Vangaindrano-Taolagnaro. Dans les communes rurales de Farafangana, la spéculation des produits de première nécessité a vu également inévitablement le jour : « Il y a plus de 25.000 sinistrés qui ont tout perdu à Antananarivo ! Pour tout le pays, selon les chiffres officiels, on déplore près de 100.000 sinistrés et de très nombreux décès ! Depuis trois semaines, nous avons eu la pluie tout le temps ! », relate avec inquiétude le père Pedro, qui reprend. « Les bas quartiers sont tous inondés ! Pauvres gens ! À Akamasoa, nous aussi, nous sommes touchés ! Il y a 20 maisons endommagées et effondrées ! Il faudra tout refaire ! Des familles qui sont déjà pauvres doivent faire face tous les ans à des catastrophes naturelles, qui les enfoncent davantage dans la misère, comme le montrent cette fois ces quelques photos de dégâts sur les maisons de nos familles autour de la décharge. Nous avons beaucoup à faire et à reconstruire à nouveau ! Ici à Madagascar, il faut avoir une foi à toute épreuve, une volonté d'acier et une force inépuisable et surtout ne jamais baisser les bras ! Et nous avons à traverser encore deux mois, février et mars, où les cyclones peuvent surgir à tout moment ! Dimanche 18 janvier, nous avons eu quand même 232 baptêmes de petits enfants, et malgré le cyclone, dans notre communauté, il y avait une grande joie spirituelle ! Merci pour votre amitié et votre aide ! ».
Tempête sociale et politique
Une autre tempête inquiète tout autant le père Pedro, sociale et politique celle-là, car à Madagascar, si les cyclones sont monnaie courante, les dernières décennies (indépendance en 1960, puis l’expérience socialiste de la Première République jusqu’en 1991, et les politiques des années suivantes) ont été tout aussi mouvementées. Le chef de l'État actuel est Hery Rajaonarimampianina élu au suffrage universel direct le 20 décembre 2013, premier président de la IVe République de Madagascar, qui a succédé à Andry Rajoelina, président de la Haute Autorité de la transition. La passation de pouvoir a eu lieu 25 janvier 2014 : « Nous avons un nouveau Premier Ministre, on espère que les choses vont bouger un peu plus vite pour trouver des solutions rapides à tant de drames sociaux, sinon ce sera le chaos total ! », présage le père Pedro, qui s’en prend également à certaines ONG humanitaires : « Malgré les sommes impressionnantes mises en jeu, combien d’enfants l’UNICEF a-t-elle sorti de la rue ? » s’insurge-t-il, très en colère, mais dont le dévouement pour Madagascar et les pauvres d’Akamasoa, tout comme le résultat de ses actions localement, l’autorise à porter un regard critique sur l’île qui l’a accueilli depuis des années : « À mon arrivée dans la région d’Akamasoa, la violence et l’indifférence régnaient notamment à la décharge. Aujourd’hui, ils sont 25.000 personnes à travailler dans ce secteur et vivre en harmonie alors que le pays s’installe aussi dans le chaos. Que les politiques viennent ici et arrêtent la langue de bois, je crois qu’ils ne se rendent pas compte du fossé qui les sépare de la population qui ne croit plus en eux », estime le père Pedro : « Avec 9 Malgaches sur 10 sous le seuil de pauvreté, la situation est explosive. Pourtant dans cet embouteillage de la pauvreté, il faut continuer à s’entraider et se comprendre pour travailler ensemble, nous, l’Etat et la société civile. J’espère malgré tout en la force de la jeunesse, à condition toutefois qu’elle ne se calque pas forcément non plus sur le tout consommation ».
Et le père Pedro de lancer une nouvelle fois un cri d’alarme pour Madagascar en général, et les plus démunis en particulier : « En une décennie, je ne reconnais plus le pays. Hier, on se disputait pour me donner un bout de terre, mais aujourd’hui ce sujet est source de tractations et de conflits. Je suis scandalisé aussi par le fait que selon moi, tous ceux qui ont gouverné depuis 40 ans ont découragé bon nombre d’investisseurs et conduit indirectement ce grand pays au bas du classement mondial. »