Akamasoa : le nuage de fumée qui empoisonne les riverains et l'environnement
À l’heure où le Monde se sensibilise à l’Environnement, les villages malgaches d’Andralanitra, Ambatomaro, Mahazo et la partie est de la ville d’Antananarivo sont envahis par une épaisse fumée depuis plus d’un mois, sans que de véritables solutions soient mises en place par les autorités locales, et, pourquoi pas imposées aux responsables politiques. La fumée d’une décharge à ciel ouvert où les plus pauvres cherchent des déchets recyclables pour vivre, bref une décharge où tout est encore permis. Car la santé de milliers de personnes, directement exposées ensuite aux fumées toxiques, est menacée. Le père Pedro s’en explique
« Nous sommes stupéfaits qu’il n’y ait aucune réaction de la part des responsables de la voirie et de la société SAMVA (Service Autonome de Maintenance de la Ville d’Antananarivo) alors que les villages d’Andralanitra, Ambatomaro, Mahazo et la partie est de la ville d’Antananarivo sont envahis par une épaisse fumée depuis plus d’un mois ! Malheureusement, cette fumée ne fait que grandir depuis notre dernier cri d’alerte et cela engendre beaucoup de problèmes oculaires et respiratoires aux enfants, aux jeunes et aux adultes.
Allons-nous devoir attendre la saison des pluies qui commencera dans un mois et demi, et qui seule peut-être, pourra éteindre totalement le feu sous-jacent de ces ordures ? La situation est d’autant plus grave que c’est pratiquement toute l’étendue de la décharge, soit 20 hectares, qui s’avère concernée par cette fumée. Beaucoup de personnes, parmi ceux qui vont sur la décharge remuer les ordures, chercher de quoi vivre et survivre, travaillent la nuit avec des torches fabriquées artisanalement. Ces torches, qu’ils laissent ensuite sur la décharge, sont certainement responsables de ce feu. La fumée, ce sont les gaz qui se consument tout doucement parce que cette décharge renferme des quantités énormes de gaz qui devraient être utilisées pour produire de l’énergie ! Au lieu de cela, ces gaz sont nocifs pour la santé de tous les riverains de la décharge mais aussi pour tout le quartier est de la capitale. »
« Nous avons fait des réunions entre le Fokontany d’Ikianja, SAMVA et Akamasoa à ce sujet mais les décisions prises restent toujours en suspens. Bien que nous ayons aussi été consultés à plusieurs reprises par des entreprises expertes dans la transformation des déchets en énergie renouvelable et que des solutions réalistes nous aient été proposées, Akamasoa ne peut malheureusement intervenir, de quelque manière que ce soit, car le terrain de la décharge ne nous appartient pas. Que faire quand aucune instance représentative de l’Etat ne s’est encore décidée à donner une suite favorable à leurs demandes ni aux projets qui leur ont été soumis ? Il est temps d’éclaircir les responsabilités respectives de la commune, de la SAMVA, et du ministère de l’Environnement, non seulement en ce qui concerne l’exploitation de cette décharge mais aussi en termes d’environnement et de santé publique. Nous ne pouvons pas décemment continuer à respirer ces gaz toxiques, cette fumée qui véhicule Dieu seul sait quelle teneur de produits nocifs nuisibles à la santé des enfants et qui irrite les yeux et la gorge tout au long de la journée.
Pour mémoire, sur les 13.000 enfants scolarisés à Akamasoa, 5.000 enfants sont directement victimes de cette fumée nocive et ce sont les plus vulnérables parce qu’ils résident tout autour de la décharge. Nous avons parfois été questionnés sur les motifs de notre installation sur les terrains avoisinants la décharge. Plusieurs raisons à cela : en premier lieu, nous avons compris que pour aider ces personnes, il faut d’abord être au plus près d’eux. Deuxièmement, parce que c’est l’unique endroit disponible que nous avons trouvé avec un terrain important pour construire Akamasoa. »
« Nous sommes convaincus qu’un jour l’Etat prendra enfin au sérieux son engagement de fermer cette décharge à ciel ouvert au profit d’une nouvelle construction qui sera une décharge écologique qui respectera toutes les normes en vigueur dans le pays : respect de l’hygiène et de la sécurité de tout citoyen. Son accès sera interdit aux enfants et à tout être humain. Pourquoi ? Tout dépotoir est nécessairement une source de maladies contagieuses et infectieuses. Nos docteurs témoignent également de l’accroissement des maladies contagieuses et des infections en tous genres avec l’arrivée de la pluie, les rats s’échappant davantage de la décharge et remontant vers les villages. Depuis plus de 18 ans, plusieurs gouvernements successifs se sont engagés à prendre des mesures afin d’assainir la situation sans que rien ne soit jamais entrepris. De même, à la tête de la SAMVA, le Directeur Général change tous les deux ans. C’est la énième fois que nous lançons ce cri d’urgence, cet appel au secours pour ces dizaines de milliers de personnes dont la santé est en jeu et qui doivent respirer ces produits innommables qui atteignent principalement leurs poumons. Une femme en est encore décédée hier soir, dimanche 11 septembre.
Nous demandons aux responsables de la SAMVA, aux élus de la commune et du/des ministère(s) compétent(s), qu’ils prennent enfin ce sujet en considération et entérinent un plan d’actions, des décisions. Tant de spécialistes de par le monde disposent de solutions rapides et efficaces pour résoudre ce mal qui nous pollue depuis 27 ans et qui est au cœur de notre vie quotidienne.
Nous demandons également aux instances internationales présentes à Madagascar, notamment l’OMS, de se manifester en tenant compte de ce fléau, de ce danger qui touche aussi la partie est d’Antananarivo. Toute capitale du monde s’agrandit vers tous les points cardinaux, Antananarivo ne fait pas exception et poursuit son extension notamment vers l’est où nous résidons. Ce sont les ordures, cette décharge à ciel ouvert qui doivent déménager et non les humains !!! Tout le peuple d’Akamasoa et des environs de la décharge souhaite que cela puisse se réaliser le plus rapidement possible. »
Père Pedro